Les 6 étapes pour restaurer une tourbière dans les règles de l’art
Tourbière restaurée de Chemin-du-Lac, St-Antonin (Québec) Source : Premier Tech
Depuis 1995, Premier Tech a réalisé des travaux de restauration de tourbière en réintroduisant la sphaigne sur plus de 1900 acres de tourbières au Canada et aux États-Unis (2020). Y a-t-il de quoi être fier? Certainement. Si on retourne 30 ans en arrière, au Canada, les tourbières qui n’étaient plus exploitées étaient laissées à elles-mêmes. Même à cette époque où les connaissances en matière de pérennité de la ressource étaient limitées, Premier Tech encourageait la recherche universitaire dans ce domaine.
Dans les années 1990, des études ont permis de constater qu’en laissant les tourbières abandonnées aux mains de dame nature, celle-ci ne favorisait pas toujours le retour vers les conditions originales d’un milieu humide. Pour y remédier, le Groupe de recherche en écologie des tourbière (GRET), sous la direction du Dr Line Rochefort de l’Université Laval, au Québec, a mené à bien un projet visant le développement de techniques pouvant aider à la restauration de tourbières exploitées. Celui-ci a permis la réalisation du Guide de restauration des tourbières (F. Quinty et L. Rochefort) publié par l’Association canadienne de mousse de sphaigne (CSPMA). Réédité depuis sa sortie originale en 1997, cet outil demeure encore aujourd’hui ‘’la bible’’ pour les producteurs de tourbe canadiens, qui ont à cœur la gestion durable des tourbières et la protection d’écosystèmes uniques, tels que ses sites de récolte de tourbe de mousse de sphaigne.
Pour bien comprendre ce qui suit, si vous vous demandez ceci : Qu'est-ce que la tourbe de mousse de sphaigne et d'où provient-elle? Nous vous invitons à lire cet article complémentaire.
Restauration de tourbière: Comment s’y prendre?
L’approche utilisée au Canada favorise la réintroduction d'espèces propres aux tourbières pour accélérer la formation d’un nouveau tapis muscinal, ainsi que la gestion de l'eau, afin d'élever et de stabiliser la nappe phréatique. Pour s’assurer d’y parvenir de façon efficiente : la planification de la restauration est la clé; c’est d’ailleurs ce qui prendre le plus de temps. Pour planifier les secteurs de tourbière à restaurer, il faut s’y prendre de 1 à 5 ans à l’avance, de façon à bien cibler les besoins et les options appropriées.
Il faut aussi évaluer le temps requis et les ressources nécessaires pour tout mettre en œuvre. Cette planification comporte deux étapes principales, soit la description des conditions du site, du but et des objectifs de la restauration, puis la planification des opérations nécessaires pour y parvenir. Lorsque le projet de restauration est fin prêt, il se déroule majoritairement sur une période d’environ un mois (Étapes 1-2-3-4), soit au printemps ou à l’automne. Voici brièvement les principales étapes pour restaurer une tourbière.
Étape 1: Préparation du site
Cette 1ère étape vise à préparer la tourbière pour que les fragments de végétaux qui seront réintroduits puissent s’établir et croître dans les meilleures conditions possibles. Quelques objectifs sont visés, comme par exemple : permettre une plus grande rétention d’eau possible sur le site, favoriser une répartition uniforme de l’eau, retirer la tourbe en surface qui empêcherait le contact entre les fragments végétaux et le substrat tourbeux et enlever ou utiliser la végétation présente sur le site (tout dépendant des espèces qui la colonisent déjà). Pour y parvenir, plusieurs actions sont posées, tels la modification du profil des planches, le remplissage des canaux et la construction des digues.
Étape 2: Récolte des plantes sur un site d’emprunt
Pour accélérer la formation d’un nouveau tapis muscinal, la pratique canadienne consiste à introduire des végétaux, notamment des sphaignes qui sont en partie responsables des particularités uniques des tourbières ombrotrophes. Il doit aussi contenir d’autres espèces de plantes, comme les sphaignes s’établissent lentement. Où trouve-t-on ces végétaux? Sur des sites d’emprunts comme des tourbières naturelles. La récolte des plantes consiste à déchiqueter la végétation de surface, puis à la ramasser. Lorsque la récolte est effectuée adéquatement, elle n’occasionne pas de dommages permanents aux sites d’emprunt et la reprise du couvert végétal est rapide.
Étape 3: Épandage des plantes sur le secteur à restaurer
Une fois les végétaux récoltés sur les sites d’emprunts, il ne reste plus qu’à les épandre selon la bonne quantité établie sur le site à restaurer, de façon à former une couche uniforme sur le substrat tourbeux.
Étape 4: Épandage de la paille sur le secteur à restaurer
Lorsque les fragments de plantes sont épandus sur le site à restaurer, ils font face à des conditions très difficiles. Pour les aider à s’établir, on utilise la paille comme couvert protecteur. En plus de créer ‘’un toit’’ pour les végétaux en formant une couche d’air qui reste fraîche et humide à la surface du sol et qui demeure isolée de l’air ambient, elle aide à maintenir la nappe phréatique à un niveau plus élevé et prévient les dommages faits aux plantes par le soulèvement gélival.
Étape 5: Fertilisation (optionnel)
La fertilisation est une étape facultative, qui peut être effectuée au cours des premières années suivant la restauration. Comme elle est très coûteuse, elle est généralement favorisée lorsque la restauration a été plus laborieuse. Dans le cas présent, le fertilisant utilisé (pas n’importe lequel) doit contenir exclusivement du phosphore, plus précisément de la roche phosphatée, qui libère très lentement le phosphore en petites doses, ce qui aide à la germination et à l’établissement des plantes.
Étape 6: Suivi de la restauration
Le suivi de la restauration s’échelonne sur au moins 10 ans après la restauration, souvent à des fins de recherche scientifique, pour pousser encore plus loin les connaissances que nous avons collectivement dans ce domaine. L’entreprise qui a mené les travaux demeure imputable pendant toute cette période, soit jusqu’à ce que le gouvernement donne son aval pour qu’elle puisse « se défaire » du bail et/ou du certificat d’autorisation qui la liait à la tourbière. C’est pendant cette décennie qu’on arrive, avec les suivis, à évaluer si les travaux effectués sont un succès ou non.
La restauration de tourbière représente un engagement ferme depuis plusieurs années pour Premier Tech, en matière de développement durable. L’effort en vaut certes la chandelle, même s’il s’étale sur plusieurs années, comme il est question de préserver la vitalité de ces milieux pour les générations à venir.
Source: Guide de restauration des tourbières, 2e edition, François Quinty et Line Rochefort.