Désinfection de l'eau – partie 3b : autres méthodes utilisées pour la désinfection de l'eau

Dans un article précédent, nous avons traité des oxydants couramment utilisés pour la désinfection de l'eau, incluant , le dioxyde de chlore, l'hypochlorite de calcium, l'hypochlorite de sodium, l'ozone et le peroxygène activé. Cette fois, nous nous concentrerons sur d'autres types de systèmes de désinfection de l'eau d'irrigation, sur la façon dont ils fonctionnent, ainsi que sur leurs avantages et désavantages respectifs. Ces systèmes de désinfection incluent : ionisation du cuivre, rayonnement ultraviolet, traitement thermique et filtration lente à sable.

Ionisation du cuivre

Un système d'ionisation du cuivre comprend deux électrodes de cuivre placées en parallèle à l'intérieur d'un tuyau. Lorsque l'eau passe dans le tuyau, un courant électrique est appliqué entre les électrodes, ce qui déplace les ions de cuivre de l'une des électrodes. Les ions de cuivre sont emportés et ils se fixent ensuite aux organismes pathogènes. Cela perturbe leurs parois cellulaires et entraîne leur mort. Les ions de cuivre se fixent aussi à la matière organique présente dans l'eau. Idéalement, le cuivre libre devrait être appliqué à des taux de 0.5-1.0 ppm Cu afin de réduire les pathogènes transmis par l'eau et de 1-2 ppm Cu pour réduire les algues.

Système d'ionisation du cuivre pour l'assainissement de l'eau en serre
L'ionisation du cuivre utilisée pour désinfecter l'eau dans une serre. Source : http://www.karobv.nl
 Diagramme d'ionisation du cuivre pour l'assainissement de l'eau en serre
Schéma montrant le fonctionnement d'un système d'ionisation du cuivre. Source : http://www.ecosmarte.com


Les avantages de l'ionisation du cuivre incluent le cuivre résiduel dans l'eau qui a encore la capacité de tuer les organismes pathogènes après le passage de l'eau dans le système, ainsi que la facilité d'utilisation et le côté sécuritaire du système. Il faut un investissement initial moyen, mais les coûts d'utilisation sont faibles (électricité et remplacement annuel des électrodes). Ce genre de système est parfait lorsque le débit de l'eau est élevé puisqu'il n'y a pas de temps de contact minimal avec l'eau. Même si une partie du cuivre est fixé à la matière organique, cela n'est pas aussi important qu'avec les autres systèmes de désinfection. Ce genre de système peut donc être utilisé pour l'eau recyclé. Les taux d'ionisation du cuivre requis pour éliminer les pathogènes sont plutôt faibles et ne devraient pas être toxiques pour les plantes.

Tel que mentionné, l'eau recyclée ou provenant d'un étang doit encore être filtrée afin d'enlever la matière organique à laquelle se seraient fixés les ions de cuivre. Gardez le pH de l'eau en-dessous de 7.0 pour empêcher le cuivre de former des précipités. La conductivité électrique de l'eau est importante car lorsqu'elle change, la quantité de cuivre qui sort de l'électrode change aussi. Par exemple, plus la conductivité électrique de l'eau d'irrigation est élevée, plus l'eau transporte de courant électrique, libérant une plus grande quantité d'ions de cuivre. Si la source change d'eau de puits à eau de pluie, laquelle n'a aucune conductivité électrique, alors la libération d'ions de cuivre sera très faible et n'éliminera pas les pathogènes. Il est préférable d'utiliser un système d'ionisation du cuivre qui ajuste automatiquement la quantité de cuivre libérée selon les changements dans la conductivité électrique de l'eau.

Rayonnement ultraviolet

Ce ne sont pas tous les types de lumière ultraviolette qui éliminent efficacement les orgaismes pathogènes. Toutefois, le rayonnement ultraviolet dans une plage de 280-100 nanomètres (appelé UV-C) est efficace. Le rayonnement ultraviolet fonctionne en altérant l'ADN des cellules des microorganismes, les rendant incapables de se reproduire. La plupart des systèmes de rayonnement ultraviolet se composent d'une chambre tubulaire dans laquelle se trouve un tube de quartz abritant une ampoule UV. L'eau pénètre par une extrémité de la chambre et circule autour de l'ampoule pendant un certain temps, désinfectant ainsi l'eau. Une fois désinfectée, l'eau est évacuée par l'autre extrémité de la chambre.

 Lumière ultraviolette pour l'assainissement de l'eau en serre
La source de lumière ultraviolette au centre de la photo désinfecte l'eau d'irrigation lors de son passage dans le système. Source : http://halmapr.com


Les avantages de ce système incluent le fait qu'aucun produit chimique fort n’est utilisé et qu'aucun sous-produit dangereux n’est créé. Il est également facile à utiliser. La température de l'eau, le pH et la conductivité électrique n'ont aucune influence sur l'efficacité des systèmes de désinfection par rayonnement UV et il n'y a aucuns problèmes de toxicité connus pour les plantes. Certaines sources indiquent que la quantité de lumière UV requise pour éliminer les bactéries est de 3.5-26.5 millijoules/cm2 et de 6.6-440 millijoules/cm2 pour les virus. Certaines sources recommandent que l'intensité de la lumière UV soit de 100 millijoules/cm2 pour l'eau recyclée. Ces niveaux peuvent être atteints en choisissant une ampoule ultraviolette à puissance élevée et/ou en ralentissant le débit de l'eau afin d'augmenter le temps d'exposition. Puisqu'il n'y a aucune action résiduelle, on combine souvent le rayonnement UV à de l'ozone, du péroxyde ou du chlore pour ajouter un produit résiduel à la source d'eau, au cas où un organisme pathogène serait introduit avant l'irrigation.

La lumière UV doit pénétrer toutes les sections de l'eau pour la désinfecter. Si l'eau est brouillée et/ou contient des particules, cela cause la dispersion de la lumière UV et réduit l'efficacité de la désinfection. Par conséquent, l'eau doit être filtrée afin de réduire les matières en suspension totales pour une transmission optimale de la lumière UV dans l'eau. Idéalement, l'eau devrait avoir une turbidité de 2 unités de turbidité néphélémétrique (unité de mesure typique de la turbidité) ou moins.

Les systèmes de rayonnement UV nécessitent un certain entretien. Le tube de quartz qui abrite l'ampoule UV doit être trempé dans l'acide tous les 3 à 6 mois pour enlever le calcium et les autres dépôts minéraux qui réduisent la transmission de la lumière. Avec le temps, les ampoules UV perdent en efficacité. Il faut donc les remplacer chaque année. Enfin, il arrive aussi que les ballasts brûlent.

Traitement thermique

Cela signifie simplement que l'eau d'irrigation est chauffée à l'aide d'un échangeur thermique jusqu'à une certaine température afin d'éliminer les organismes pathogènes. Par exemple, l'on peut augmenter la température de l'eau à 95oC (203oF) pendant 30 secondes. Une source indique que les virus peuvent être désactivés si la température de l'eau atteint 70oC (158oF) pendant 5 minutes. Le traitement thermique est un processus simple et sécuritaire qui n'utilise aucuns produits chimiques forts et ne crée aucuns sous-produits dangereux. Cela fonctionne peu importe la température de l'eau, son pH, sa conductivité électrique ou les débris organiques qu'elle contient. 

 Désinfection thermique de l'eau dans une serre
Système de désinfection de l'eau par traitement thermique. Source : http://www.hydroponics.com.au


L'un des principaux désavantages du traitement thermique est que c'est l'un des moyens de désinfection de l'eau les plus dispendieux. Au-delà des coûts élevés en électricité, une cuve de stockage d'une bonne grosseur est requise pour chauffer l'eau à la bonne température. Ensuite, l'eau doit être refroidie avant d'être utilisée pour arroser les plantes. Cela ne serait pas pratique pour un grand volume d'eau puisque cela prendrait trop de temps pour chauffer et ensuite refroidir l'eau contenue dans une très grande cuve. Aussi, il n'y a aucune élimination résiduelle des organismes pathogènes. Il faut donc parfois utiliser de l'ozone, du chlore, etc. si l'on pense que l'eau peut avoir été contaminée de nouveau. Pour éviter une accumulation de minéraux sur les échangeurs thermiques, il est recommandé de réduire le pH de l'eau à 4.5, mais il faudra peut-être le remonter avant d'appliquer aux cultures.

Filtration lente à sable

Plusieurs types de filtres, tels que les filtres à tamis, les cartouches filtrantes, les filtres à plaques et les filtres à disques, sont utilisés pour enlever les débris et possiblement les organismes pathogènes de l'eau d'irrigation. Au mieux, ils filtrent les plus grosses spores fongiques, mais les systèmes de filtration lente à sable peuvent enlever des particules beaucoup plus petites, incluant la plupart des bactéries pathogènes, mais excluant les virus. Un filtre à sable lent comprend un lit de sable d'au moins 1 mètre de profondeur, avec une grande surface horizontale. Il y a aussi souvent une couche de gravier en-dessous du sable et un tuyau perforé pour récolter l'eau. De façon gravimétrique, l'eau s'écoule de haut en bas à travers le lit de sable et ressort par le fond, où elle est stockée dans une cuve. Une couche de biofilm biologique se forme dans les 6 premiers pouces (15 cm) du filtre et retient la plupart des pathogènes et des autres particules fines. Certains systèmes de filtration lente à sable font passer l'eau dans le sable à des débits plus élevés, mais ils n'enlèvent pas les contaminants de façon efficace.

 Filtre à sable lent pour l'assainissement de l'eau en serre
Schéma de base d'un filtre à sable lent. Source : http://www.open.edu


La plupart des systèmes de filtration lente à sable ont un débit moyen de 2-4 gallons/min/vg2 (9.1-18 litres/min/m2) et donnent environ 76 000 gallons (288 m3) d'eau par jour par 67 vg2 (80 m2) de surface de filtre. Les coûts initiaux sont élevés pour le sable, le contenant et la cuve de stockage de l'eau, mais il y a peu de frais d'utilisation, si ce n'est de l'électricité pour faire fonctionner la pompe. Côté entretien, il faut râteler, de temps à autre, la couche de biofilm qui risque d'obstruer le filtre avec le temps. Le filtre doit rester humide en permanence pour assurer la survie de la couche de biofilm. Cela peut être réalisé en gardant une couche d'eau en permanence sur le dessus du sable. Cela sert également à appliquer une pression hydraulique sur le système pour favoriser l'écoulement de l'eau à travers le filtre. La surface du filtre ne doit pas être dérangée, à moins de devoir la râteler. Il se peut qu'un système de filtration lente à sable ne soit pas suffisant lorsque la demande en eau est forte, et qu'il n'élimine pas tous les pathogènes. Il n'y a aucune action résiduelle, donc une désinfection secondaire pourrait s'avérer nécessaire.

Références :

  • Powell, C.C. 2001. "Are Your Plants Drinking Dirty Water?" Grower Talks 79(7)
  • http://pnwhandbooks.org/plantdisease/pesticide-articles/treating-irrigation-water-eliminate-water-molds
  • Newman, S.E. 2004. "Disinfecting Irrigation Water for Disease Management." 20th Annual Conference on Pest Management on Ornamentals – Society of American Florist Meeting (San Jose, CA)
  • Harris, M.A and L.R. Oki. 2009. "Using Slow Sand Filters to Remove Plant Pathogens from Irrigation Runoff." Presentation at International Plant Propagators’ Society Meeting in San Diego, CA October 2, 2009