Désinfection de l’eau – partie 3a : oxydants utilisés dans la désinfection de l’eau
La partie 2 a porté sur l’importance de « prétraiter » l’eau d’irrigation avant de procéder à sa désinfection. Pour ce faire, il faut éliminer la totalité des matières en suspension, enlever une partie du biofilm ayant pu s’accumuler dans les tuyaux et les réservoirs et tenir compte du pH et de la conductivité électrique de l’eau. Tous ces facteurs ont une influence sur le taux d’application et l’efficacité d’un désinfectant. Maintenant, dans cette troisième et dernière partie, nous examinons les différents types de désinfectants, leur action et quelques avantages et inconvénients de chacun. Nombreux sont ceux ayant constaté qu’aucun système unique ne peut répondre aux besoins de tous les horticulteurs. La première moitié de cet article porte donc sur des agents oxydants utilisés pour désinfecter l’eau d’irrigation utilisée dans les serres. La deuxième moitié, qui sera publiée dans le prochain numéro de l'infolettre du Service horticole, fera le tour des autres méthodes pour désinfecter l’eau.
Agents oxydants
Des agents oxydants sont ajoutés à l’eau d’irrigation pour éliminer les organismes pathogènes. Ces derniers sont éliminés par exposition directe à un agent pendant une durée déterminée. La durée de l’exposition requise pour éliminer les organismes pathogènes varie selon le type d’ organismes lui-même, les cellules de propagation du contaminant ainsi que le type et la concentration de l’agent oxydant et la charge biologique dans l’eau.
Un avantage qu’offrent la plupart des agents oxydants est que le résidu du produit reste dans l’eau. La conservation de cet ingrédient désinfectant dans l'eau implique que si un agent pathogène est réintroduit dans l'eau d'irrigation, il continuera à exercer un contrôle sur cet organisme. Bien que les agents oxydants soient efficaces, il arrive souvent qu’ils soient « épuisés » dans des composants organiques tels la tourbe, l’écorce, le compost, la fibre de coco ainsi que les algues, les débris végétaux, le biofilm et – bien sûr – les organismes pathogènes. Il est donc critique que l’eau soit filtrée et traitée afin qu’un agent oxydant puisse y éliminer efficacement les contaminants biologiques. Il faut aussi tenir compte du fait que les oxydants réagissent et se lient au fer, au manganèse, au bore et à d’autres métaux présents dans l’eau. Ces oxydants nuisent également à l’efficacité des agents oxydants.
Les agents oxydants les plus couramment utilisés pour traiter l’eau d’irrigation sont présentés dans le tableau ci-dessous. Il s’agit du chlore gazeux, du dioxyde de chlore, de l’hypochlorite de calcium, de l’hypochlorite de sodium, de l’ozone et du peroxygène activé.
Désinfectant (ingrédient actif) | Alimentation dans l'eau | Taux | Commentaires |
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Chlore gazeux (CI2) | Des bulles de chlore gazeux sont injectées dans l'eau, où elles se mêlent à l'eau pour former de l'acide hypochloreux (HOCI) ou de l'acide hydrochlorique (HCI) | 0,5-2,0 ppm de chlore libre. Un taux de 2 ppm contrôle les zoospores de nombreuses espèces de Pythium et Phytophtora. | La forme de chlore la plus économique par ppm. Le chlore gazeux est stocké dans un cylindre, ce qui élimine le besoin de mélanger à l'avance. Il s'agit d'un gaz dangereux dont la manutention requiert du matériel spécial et une ventilation. Dépasser un taux de 2 ppm de chlore libre dans l'eau peut s'avérer phytotoxique pour les plantes. Idéalement, le pH de l'eau doit être entre 6,0 et 7,5 (sous 4,0, le gaz se dissipera; au-dessus de 7,5, le gaz sera moins efficace). Des métaux tels que Fe, Mn, B, Cu, etc. ainsi que des matières organiques peuvent lier le chlore libre. |
Dioxyde de chlore (CIO2) | Le gaz est injecté dans de l'eau et forme une solution de réserve concentrée de CIO2, laquelle est ensuite injectée dans l'eau à désinfecter. | 0,25 ppm ou moins CIO2 résiduel (un taux de 1 ppm CIO2 peut être requis pour éliminer certaines bactéries). | Le dioxyde de chlore se déplace librement dans l'eau; il contrôle donc efficacement le biofilm. Il est efficace à un pH d'eau 4 et 10 et n'est pas aussi sensible aux matières organiques que d'autres sources de chlore. Le dioxyde de chlore doit souvent être fabriqué sur place à l'aide d'équipement spécialisé. La solution de réserve doit être utilisée à l'intérieur de 15 jours pour minimiser les pertes dues à la volatilisation. Peut être phytotoxique à des taux élevés. Précipite certains métaux (Fe, Mn, B, Cu, etc.). |
Hypochlorite de calcium (Ca(OCI)2) | Des granules ou comprimés sont dissous dans une petite quantité d'eau d'irrigation qui passe par un injecteur de chlore. Le taux de CI2, en ppm est contrôlé au moyen d'une cloison. | 0,5-2,0 ppm de chlore libre. Un taux de 2 ppm contrôle les zoospores de nombreuses espèces de Pythium et Phytophtora. | Plus sécuritaire que le chlore gazeux ou l'hypochlorite de sodium. Plus facile à stocker et moins corrosif que d'autres formes de chlore. Les granules et comprimés se dissolvent plus lentement en eau plus froide. Dépasser un taux de 2 ppm de chlore libre dans l'eau peut s'avérer phytotoxique pour les plantes. Idéalement, le pH de l'eau doit être entre 6,0 et 7,5 (sous 4,0, le gaz se dissipera; au-dessus de 7,5, le gaz sera moins efficace). Des métaux ainsi que des matières organiques peuvent lier le chlore libre. Si la concentration de chlore libre dépasse 200 ppm CI2, de la turbidité et de la sédimentation peuvent en résulter. |
Hypochlorite de sodium (NaOCI) | De l'hypochlorite de sodium liquide (5-15% chlore) est injecté directement dans l'eau. Également appelé eau Javel. | 0,5-2,0 ppm de chlore libre. Un taux de 2 ppm contrôle les zoospores de nombreuses espèces de Pythium et Phytophtora. | Facilement injectable. Dépasser un taux de 2 ppm de chlore libre dans l'eau peut s'avérer phytotoxique pour les plantes. Idéalement, le pH de l'eau doit être entre 6,0 et 7,5 (sous 4,0, le gaz se dissipera; au-dessus de 7,5, le gaz sera moins efficace). Des métaux ainsi que des matières organiques peuvent lier le chlore libre. Requiert un injecteur résistant à la corrosion. A une durée de conservation limitée et doit être utilisé à l'intérieur de 1-2 mois. Des températures plus chaudes et un fort ensoleillement accélèrent la dégradation. |
Ozone (O3) | Généré sur place au moyen d'un arc électrique, puis les bulles sont injectées dans l'eau. | Taux d'injection <1 ppm O3, action résiduelle de 0,01-0,2 ppm O3. Un taux résiduel de >1 ppm O3 peut s'avérer phytotoxique. | Aucune matière première n'est requise et aucun déchet n'est créé. Coût d'installation initiale élevé, mais coût d'exploitation faible. Conception par un professionnel requise pour prévenir la libération de taux dangereux d'ozone de l'eau. Il est préférable d'injecter dans l'eau contenue dans un réservoir fermé. L'ozone doit être maintenu en contact avec l'eau pendant 20-60 minutes. Un taux de 0,2 ppm O3 peut détruire le biofilm si le contact est maintenu pendant 30 minutes. Action résiduelle de courte durée dans l'eau, idéalement pH = 4 et eau froide pour prolonger la durée de conservation. À mesure que le pH et le température de l'eau augmentent, la durée de vie résiduelle diminue. Filtrer l'eau pour y enlever les matières organiques qui nuisent à l'efficacité de l'ozone. Surveillance difficile puisque l'ozone se dégrade rapidement. |
Peroxyde d'hydrogène / dioxyde d'hydrogène (H2O2) et acide peroxyacétique / acide percétique (CH3COO-OH) | Les deux types sont injectés directement dans l'eau. | Selon le fabricant, mais à l'intérieur d'une plage de 24-540 ppm H2O2. | Aucun déchet toxique produit (seulement du dioxyde de carbone, de l'hydrogène et de l'oxygène) et sans danger pour l'environnement. Facile à utiliser, mais corrosif. Par conséquent, des injecteurs spéciaux sont requis. L'acide peroxyacétique et l'acide peracétique sont des biocides plus efficaces et plus stables dans l'eau que le peroxyde d'hydrogène et le dioxyde d'hydrogène. La présence de matières organiques en réduit grandement l'efficacité et ces substances précipitent les métaux. Idéalement, le pH de l'eau doit être inférieur à 7. Plus efficaces à températures plus chaudes. L'exposition à la lumière UV dégradera ces substances. |
Tous ces agents oxydants ont des avantages et des inconvénients. Lorsqu’on tient compte du coût, des effets résiduels, des risques environnementaux et de la sécurité des travailleurs, entre autres considérations, aucun système unique ne satisfait à tous les critères. Dans le prochain numéro du bulletin d’information Service horticole, nous vous présenterons d’autres méthodes de désinfection de l’eau qui permettent aujourd’hui de désinfecter l’eau d’irrigation utilisée à des fins de culture.
Références :
- Konjoian, P. 2011. "Chlorine Dioxide in Horticulture: A Technology Review." Greenhouse Grower March 17, 2011
- Powell, C.C. 2001. "Are Your Plants Drinking Dirty Water?" Grower Talks 79(7)
- http://pnwhandbooks.org/plantdisease/pesticide-articles/treating-irrigation-water-eliminate-water-molds
- Newman, S.E. 2004. "Disinfecting Irrigation Water for Disease Management." 20th Annual Conference on Pest Management on Ornamentals – Society of American Florist Meeting (San Jose, CA)